Bees and other important things

b.d.graft

 
 

Double V Gallery est heureuse de présenter la première exposition personnelle de B.D.Graft en France dans son nouvel espace parisien.

Double V Gallery is thrilled to present B.D.Graft’s first solo exhibition in France in its new parisian space.


BEES AND OTHER IMPORTANT THINGS

CURATOR TIAGO DE ABREU PINTO

From October 16 to November 27, 2021

37 rue Chapon, Paris 3e

FAQ: La coupe au rasoir d’Occam

Texte de Tiago de Abreu Pinto

La galerie est heureuse de présenter le premier solo show en France de B.D. Graft. Un projet qui témoigne de l’évolution de l’oeuvre de l’artiste depuis près de quatre ans.

La plupart des œuvres de B.D. Graft dégagent une simplicité particulière et une profonde familiarité.

Quel genre de simplicité ?

Du genre dont on pourrait dire : « c’est indémodable » ou « n’est-ce pas universel ? ». Du genre qui sous- entend un langage commun, un monde que l’on peut identifier. Un genre d’une simplicité ontologique ou d’un réductionnisme méthodologique remarquables. Le genre qui évite la complexité. Le genre selon lequel « lorsque deux ou davantage d’explications sont avancées pour expliquer un phénomène, on doit préférer l’explication complète la plus simple ».

Ne parlez-vous pas à la fois de la simplicité et de la familiarité ?
Si. Parce que, d’une certaine façon, sa simplicité est familière.

C’est-à-dire ?

Alors, que je m’explique : j’ai récemment marché au hasard le long des parois d’un canyon, dans un parc. Je n’étais pas très en forme (avant d’aller là-bas) et je me suis souvenu que B.D. Graft m’avait dit que la forêt lui remettait les idées en place.

Pourquoi cela ?

On dirait que le numérique a pris trop de place dans nos vies.

Qu’est-ce qui a fait disparaître cette impression désagréable que le numérique vous apportait, à tous les deux ?
Nous sommes allés dans les bois. C’est drôle comme certains d’entre nous se tournent vers la forêt quand ils se sentent oppressés par l’omniprésence du numérique.

Quel était votre état d’esprit quand vous étiez là-bas ?

La forêt m’a fait penser à nos marches, à Graft et moi, et à notre lassitude proche de la « nous-fatigue » de Peter Handke (évoquée par Byung-Chul Han).

Que dit Handke ?
Peter Handke « Pour ce “tout en un” j’ai une image : ces natures mortes du dix-septième siècle, en général hollandaises, sur les fleurs, vraies comme si vivaient ici un insecte, là un escargot, là une abeille et là-bas un papillon et bien qu’aucun n’ait idée de la présence de l’autre, à l’instant du regard, dans mon regard à moi, tous ensemble les uns avec les autres. »

A quoi vous a fait penser cette métaphore ?

Elle m’a rappelé à quel point nous sommes liés par ces marches en forêt. Par notre fatigue. Par le fait que nous arpentions les villes depuis un moment.

Est-ce un sentiment que partage B.D. Graft ?

Oui.
B.D. Graft (avec enthousiasme) « J’ai eu pendant longtemps une vie trépidante, très agréable, très rythmée. Maintenant que j’ai la trentaine, je suis plus attiré par la nature et le silence. »

Il m’a regardé droit dans les yeux de toute sa présence bidimensionnelle.

Qu’est-ce que vous entendez par présence bidimensionnelle ?
Nous nous sommes parlé par ordinateurs interposés. Et je suis resté immobile, à l’écoute et silencieux, à scruter son image dans le cadre rectangulaire de mon ordinateur.

Pourquoi donc ?

J’ai commencé à comprendre que notre conversation était complètement différente de celle que nous aurions pu avoir dans les bois.

Et qu’est-ce qu’il disait, pendant que vous gardiez le silence ?
B.D. Graft (tout de go) « J’exprime mon désir de silence. Moins de réseaux sociaux. Moins de bruit. Plus de ces natures mortes que je peins. Plus de choses qui me calment quand je peins. »

Et qu’est-ce que vous en avez pensé ?

Que c’est dur d’essayer de se sortir de, comme Han l’exprime,
Byung-Chul Han (annonciateur) « la nuée numérique » (à l’« absence d’âme ou d’esprit ») alors que, pendant l’épidémie du corona virus, il ne reste que ça (« la nuée numérique ») pour rester en contact avec les autres.

Autre chose ?

Oui. Je me suis souvenu d’Arp, qui essayait de trouver (d’après ses propres mots, dans « Dadaland »)
Jean Arp (prophétiquement) « un art élémentaire qui

devait sauver les hommes de la folie furieuse de ces temps ».
Cette aspiration lui a permis de rester à l’écart Jean Arp (théâtralement) « des événements les plus tumultueux » pendant qu’il concevait « Collage avec des carrés disposés selon les lois du hasard ».

Pourquoi est-ce qu’Arp vous est venu à l’esprit ?

A cause de sa description de l’œuvre citée précédemment.

Qui est ?

Une œuvre d’art né du silence ou en quête de silence.

Mais s’agit-il du même contexte que celui de B.D. Graft ?
Non. Le contexte dans lequel s’inscrit l’« art élémentaire » d’Arp est la guerre mondiale.

Pourriez-vous être plus précis ?
Jean Arp (avec enthousiasme) « Tandis que grondait dans le lointain le tonnerre des batteries, nous collions, nous récitions, nous versifiions, nous chantions de toute notre âme. Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie furieuse de ces temps. Nous aspirions à un ordre nouveau qui pût rétablir l’équilibre entre le ciel et l’enfer. »

Y a-t-il une autre raison pour que l’on évoque ici Arp ?

Arp est l’un des artistes que Graft a utilisés pour ses propres collages.

Beaucoup d’entre eux proviennent de livres ayant trait à l’art moderne du 20e siècle, comme de Kooning.

Est-ce que l’expressionnisme abstrait le caractérise ?

L’expressionnisme abstrait n’est pas exactement ce qui le caractérise mais en matière de couleur ou de composition, c’est l’une de ses grandes influences.

Quels autres artistes a-t-il utilisés ?

Helen Frankenthaler. Ellsworth Kelly (pour cette utilisation minimaliste, simple et intelligente, de la couleur et de l’espace). Matisse. Richard Diebenkorn. Kurt Schwitters. Pour ces couleurs primaires, très géométriques, qui ont l’air très simples sans être simples tout en étant simples, d’une certaine façon.

Pourquoi est-ce que vous évoquez le collage ?

Parce qu’il a commencé par des collages.

Que vous en a dit Graft ?
B.D. Graft (calmement) « J’ai commencé à faire des collages quand j’étais à la fac. »

Qu’est-ce qu’il faisait, à la fac ?
B.D. Graft « J’étudiais le cinéma et la littérature anglaise. »

Pourquoi donc ?
B.D. Graft « Parce que je voulais me lancer dans l’écriture. »

Est-ce qu’il voulait être écrivain ?

Pas complètement si, par écrire, vous entendez faire ce que fait Handke. Mais, oui, complètement si par écrire vous voulez dire faire ce qu’a fait Michaux au niveau de l’écriture.

Et, donc, pourquoi est-ce qu’il étudiait dans cette université en particulier ?
B.D. Graft « C’était comme ça que je pensais vouloir avoir un esprit créatif. »

Mais comment cela se fait-il, alors, qu’il en soit venu à l’art ?
B.D. Graft « J’ai commencé à faire des collages pour me changer les idées, le soir, histoire de me sortir la tête des livres, des films et des écrans. J’éteignais l’ordinateur, je prenais des livres et je commençais à découper et fabriquer ces collages. Un genre de thérapie. Pour me reposer un peu l’esprit. Et puis, plus tard, je me suis mis à l’acrylique et aux pastels à l’huile, passant à un style de dessin plus pictural. »

Qu’est-ce qu’il a dit d’autre ?

Plus tard, Graft m’a parlé de sa spontanéité et de son impatience. Du fait que quelqu’un pourrait dire que c’est l’un de ses mauvais côtés. Mais il n’est pas aussi impatient que ça (de ce que j’ai pu constater à travers nos conversations – il est plutôt tranquille et paisible, il me semble). Je dirais que toutes les œuvres de Graft viennent de sa spontanéité.

Comment définit-il, selon ses propres mots, cette caractéristique ?
B.D. Graft (dans un sourire) « Je fais les choses de manière plutôt rapide et plutôt impulsive. »

Pourquoi est-ce qu’il a souri ?

Parce ce qu’il parlait du résultat. Je sais qu’il passe énormément de temps à concentrer et distiller une large palette d’émotions, de sensations et de pensées, avec un procédé artisanal qui lui permet de donner, comme il me l’a dit, « un aspect brut et une certaine fraîcheur » à son travail.

Est-ce qu’il ne fait que peindre et dessiner ?

Non. La dernière fois que j’ai vu Graft en chair et en os, il m’a montré une sculpture qui représentait la partie supérieure d’un corps. Le haut d’un corps, des cuisses à la tête, bras compris.

Elle avait quelque chose de spécial, cette sculpture ?

Sa tête était une plante en pot. Elle (la sculpture) la prenait à pleines mains. Sa tête-pot-de-plante.

Est-ce que cet aspect vous a fait penser à quelque chose en particulier ?
Elle m’a amené à réfléchir à la relation qui existe entre le pot (avec la plante) et le corps.

A quoi, exactement ?

Au fait que ce ne soit pas complètement tiré par les cheveux. Gosselain montre, dans une enquête de terrain qui date de 1999, à quel point cette relation est ordinaire en Afrique subsaharienne.

Quelle relation ?
Eh bien, il a souligné que Olivier P. Gosselain « Soit de manière implicite, soit de manière explicite, les pots sont fréquemment associés aux êtres humains ».

Qu’est-ce que l’enquête montre d’autre ?

Elle nous montre, d’une certaine façon, le lien puissant que nous établissons avec les objets.

De quoi d’autre avez-vous parlé ?

De la simplicité.

Et plus précisément ?

La simplicité qui réside dans la traduction de la réalité en esthétique attrayante, familière, liée au quotidien, et en physique naïve.

C’est ainsi que vous la définiriez ?

Oui, si j’ajoute que son projet est aussi un projet de collage et de répétition.

Qu’est-ce qu’il a dit à ce propos ?
B.D. Graft « Dire les choses simplement. Je n’aime pas quand les choses deviennent trop compliquées. Inaccessibles. C’est simplement pour faire passer un message. »

Autrement dit ?

Il s’agit ici d’un procédé de juxtaposition et de contiguïté entre les choses. Pourtant, en répétant des motifs, Graft nous propose de plonger plus loin dans son univers. Nous baignons dans la plénitude de sa physique naïve et de sa simplicité sans concession.

Vous êtes en train de dire que c’est un exemple de coupe au rasoir d’Occam ?
Absolument.


[EN]

FAQ: Occam’s razor cut

Text by Tiago de Abreu Pinto

The gallery is pleased to present the first solo show in France of B.D. Graft. A project that testifies to the evolution of the artist’s work over the last four years.

Most of B.D. Graft’s works emanate a peculiar simplicity with a deep familiarity.

Which kind of simplicity ?

That kind that colloquially we say: « that’s iconic” or “isn’t that universal ? ». A kind that suggests a shared meaning, a world that is recognizable. That kind with a remarkable ontological simplicity or methodological reductionism. The kind that avoids complexity. The kind that “when two or more explanations are offered for a phenomenon, the simplest full explanation is preferable”.

Aren’t you talking about both simplicity and familiarity ?
Yes. About both because in a way its simplicity is familiar.

What do you mean ?

Well, let me tell you. Recently, I aimlessly bordered canyon walls in a park. I was in a pretty bad state of mind (before going to this place) and I remembered B.D. Graft mentioning to me that the woods brought him back, to a better place.

Why is that ?

It seems the digital was ubiquitous in our lives.

What was done to eliminate the unpleasant feeling the digital was bringing you and him ?
We went to the woods. It’s funny how some of us gravitate towards a woodland when we feel oppressed by the ubiquity of the digital.

Where was your mind when you were there ?

The woods made me think about both mine and Graft’s walks and mine and his fatigues alongside Peter Handke’s « we-tiredness » (brought to me by Byung-Chul Han).

What Handke says ?
Peter Handke « I have an image for the ‘all in one’: those seventeenth-century, for the most part Dutch floral, still lifes, in which a beetle, a snail, a bee, or a butterfly sits true to life, in the flowers, and although none of these may suspect the presence of the others, they are all there together at the moment, my moment. »

What did this metaphor make you think about ?

It made me think how we are connected through these trivious walks in the woods. By our tiredness. By the fact we have been moving around in cities for a while.

Is it something shared by B.D. Graft ?

Yes.
B.D.Graft (effusively) « It is this very hectic, very lovely, very fast lifestyle that I’ve been in for a long time. And, now in my thirties I’m more drawn to nature and silence »

He looked straight at me with all his bi-dimentional presence.

What do you mean by bi-dimentional presence ?

We talked over the computer. And, I stayed still, listening, in silence, studying his image in my rectangular computer frame.

Why is that ?

I began to understand that our talk was far different from the one we would have in the woods.

And, what did he say while you were in silence ? B.D.Graft (Hand over fist) « I’m expressing my desire toward silence. Less social media. Less noise. More of these still-lifes that I paint. Things that calm me down when I paint ».

And, what did you think ?

That’s tough when someone is trying to get out of, in how Han put it Byung-Chul Han (Prognostically) « the digital swarm » (where « no soul—no spirit—dwells within it ») and during the corona pandemic is left only with it (« the digital swarm ») to get in contact with people.

Would that be all ?

No. I remembered Arp, when he was trying to find (in his words, in Dadaland)
Jean Arp (Prophetically) « an elementary art to cure man of the frenzy of the times ».

This inclination made him stay away Jean Arp (histrionically) « from the more rowdy events » when he was in the process of making « Squares according to the Laws of Chance ».

Why did Arp come into your mind ?

Because of the way he described the previous work.

How was it ?

An art developed through silence or the search for it.

But, is it the same context as B.D. Graft ?

No. The context for Arp’s « elementary art » is the World War.

Could you be more specific ?
Jean Arp (Effusively) « Despite the remote booming of artillery we sang, painted, pasted, and wrote poetry with all our might and main. We were seeking an elementary art to cure man of the frenzy of the times and a new order to restore the balance between heaven and hell. »

Is there another reason why Arp would be remembered ?
Arp was one of the artists Graft used in his own collages.

Which others were used ?

Many others were being picked up from books focused on 20th century modern art like de Kooning.

Does abstract expressionism represent him ?

Abstract expressionism is not really what represents him but in terms of colour, composition, that’s a big influence of his.

Which other artists were used ?

Helen Frankenthaler. Ellsworth Kelly (just this bright simple minimalistic use of color, use of space). Matisse. Richard Diebenkorn. Kurt Schwitters. And, by a lot of these primary colors, very geometric, very simple looking, not being simple, but being simple, in a way.

Why are you mentioning collage ?

Because he started with collages.

What did Graft tell you about it ?
B.D.Graft (Calmly) « I started making collages when I was at university »

What did he do in university ?
B.D.Graft « I was studying film and English literature »

Why is that ?
B.D.Graft « Because I wanted to get into writing ».

Did he want to be a writer ?

Not exactly if you meant by writing what Handke does. But, yes, exactly, if by that you mean what Henri Michaux did in the level of writing.

So, why was he studying in this particular university ? B.D.Graft « That was the way I thought I wanted to be creative in my mind ».

But then how did art come about to happen ? B.D.Graft « As a hobby, to kind of get away from all the books and all the films and all the computer screens, I found myself making collages in the evenings. So, I would turn off the computer and grab some books and I would just start cutting and pasting and doing these collages. A kind of therapy for me. To calm down my mind a bit. And, later, I‘ve switched to acrylic and oil pastels transitioning to a more painterly drawing style ».

What else he told you ?

Later, Graft told me about his spontaneity and impatience. That someone could say that it’s one of his negative sides. But, he is not that impatient (not that I can see through the conversations I had with him - quite a calm and peaceful person I would say). All Graft’s works I would say come from spontaneity.

How does he define, in his own words, this particularity ?
B.D.Graft (Smiling) « So, what I do is quite fast and quite impulsive »

Why did he smile ?

Because I knew that he was referring to a result. I know he spends a great deal of time concentrating, distilling a wide range of emotions and feelings and thoughts through a handmade process to gather, as he told me, « an amount of rawness, freshness » in the work.

Does he only paint or draw ?

No. Last time I saw Graft in person he showed me a sculpture of the upper part of a body. Upper part of the thighs, including arms, to the head.

Anything particular about the sculpture ?

Its head was a plant-pot. It (the sculpture) was grabbing it. Its head. Its plant-pot-head.

Did this characteristic make you think about something in particular ?
It triggered me to think of the relation between the pot (with the plant) and the body.

What in particular ?

Something that is not far fetched. About a 1999 survey, elaborated by Gosselain, that shows how in sub-Saharan Africa this relation is common.

Which relation ?
Well, he stress that Olivier P. Gosselain « Either in an implicit or explicit way pots are frequently associated with human beings ».

What else does the study show ?

It shows in a way the intense bond that we establish with objects.

What else did you talk about ?

Simplicity.

What about it ?

The simplicity of translating reality into an appealing, familiar, alluding to everyday aesthetics and naive physics.

Is it how you define it ?

Yes if I add that his project is also one of collage and repetition.

What did he say about it ?
B.D.Graft « Just saying things simply. I don’t like when things get too complicated. Out of touch. It’s plainly to get a message across ».

In other words ?

The process here is one of juxtaposition and of contiguity between things. However by its repetition of motifs Graft offers us more and more an immersion in his world. We surround ourselves by the wholeness of its naive physics and its stern simplicity.

So, are you saying that this is an example of Occam’s razor cut ?
Yes, indeed.

Jean-Christophe Arcos