La Cage aux fauves

 
 

LA CAGE AUX FAUVES

L’image d’une douce carte postale contraste avec le titre tapageur, qui mêle odeurs de peinture et de bêtes sauvages. Une promesse de grand spectacle, livrant un public captif à l’exhibition d’œuvres féroces, et des artistes en proie aux jugements de farouches visiteurs.

Tons purs ou exaltés, toiles vierges en vibration, indépendance des formes, profondeur de " l'espace couleur ", perspective atmosphérique, nature luxuriante et personnages nus… Harmonie des mélanges : Fauves de leurs cages enfin libérés.

Goûter à la peinture est un shoot indomptable. Une tension qui surgit et traverse le corps, de la rétine au bout des ongles. Une ligne rouge sang. Un point de non retour.
La recherche du peintre est, elle, rarement anodine.
Peindre est un exercice solitaire, qui se pratique souvent en groupe. Comme nos grands Fauves du début du siècle dernier : Derain et Matisse qui prenaient d’assaut le midi pour en faire leur atelier. Suivi par Marquet, Manguin & Camoin…

Plus d’un an après l’ouverture de la galerie, le temps est venu d’y présenter une exposition exclusivement dédiée à la peinture. Fidèle à ses racines méditerranéennes, addicte à la lumière et la couleur, c’est tout naturellement que Double V invite six artistes au croisement des générations à revisiter l’héritage de ces Fauves, sans pour autant les pasticher.

L’art est un va-et-vient dans l’espace temps chez Coraline de Chiara, qui réinvestit les territoires perdus de l’Histoire pour mieux raconter celle de son époque, entre collage, peinture et superposition d’images.
- La peinture d’ Eliott Green semble être en mouvement continu pour dépasser l’appréhension du regardeur et saisir son imagination à travers des paysages infinis, ou plutôt, des paysages de l’esprit, à la fois doux et puissants.
C’est un récit mystérieux chez Florent Groc, dont la pratique picturale nous fait dépasser le sentiment contemplatif pour aborder chaque paysage, chaque composition, comme une énigme à résoudre.
L’art est une décharge de couleurs immersives et faussement naïves chez Alexandre Benjamin Navet, qui replace ses collections de céramiques imaginaires dans des mises en scènes théâtrales.
C’est un vaste spectre d’expérimentation pour Johan Papaconstantino qui, de la peinture à la musique, convoque les maîtres en mixant les références : des codes de la Renaissance à ceux d’une culture radicalement populaire.
- La peinture est un tendre piège chez Ludovilk Myers "ILK",  imprégné de courants alternatifs qui font évoluer ses formes bombées et ses couleurs frappantes vers des univers sombres et captivants.

Ici les pratiques et les parcours se croisent. Chaque plasticien a son écriture aux signes particuliers. Les œuvres présentées sont toutes créées pour l’occasion, et proposent différents horizons possibles à partir de références communes : celles des territoires et des thèmes de prédilections de ceux qui provoquèrent le premier choc artistique du XXe siècle.

Il s’agit de jouer avec eux, pour nous emmener vers une peinture excitante, insouciante, affirmant la vie. Et ce afin de renouer avec un genre de peinture dont on a annoncé depuis longtemps la fin.  Avec des coups de brosse sauvages, des œuvres en parties expressives, en parties figuratives, en partie grandioses, détaillées, abstraites, pleines de citations et de références à l’histoire de l’art, ou à des sentiments plus intimes : pour que la joie réapparaisse à la surface du tableau.

Nicolas Veidig-Favarel
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LE FAUVISME - Un nom né du scandale

Dans son atelier des Beaux-Arts de Paris à la fin des années 1890, Gustave Moreau déclare à ses élèves Matisse, Marquet, Manguin, et Camoin : "Vous ne pouvez montrer cela… Vous me feriez tuer… et cependant je le veux absolument". Les envoyant copier les grands maîtres du Louvre, il insiste : "Notez bien une chose : c’est qu’il faut penser la couleur, en avoir l’imagination. C’est cela qui fait l’artiste. La couleur doit être pensée, rêvée, imaginée…".

A la rentrée 1905, un quart du comité du Salon d’Automne, plutôt conservateur,  est remplacé par d’anciens élèves de Gustave Moreau : Matisse, Rouault et Piot siègent désormais aux côtés des critiques Louis Vauxcelles et Roger Marx. L’inauguration du salon est prévue pour le 18 octobre…
C’est le jour J au Grand Palais :  18 salles, 1 625 numéros, et quelques grands noms à l’affiche de cette 3e édition : Ingres et Manet se voient consacrer une  retrospective alors que dans les autres salles, on retrouve Rodin, Cézanne, Renoir ou Kandinsky… Pourtant, tous les regards sont braqués sur la salle n°VII, placée au coeur de l’exposition. Elle provoque un scandale. On parle de « bariolages informes », de « brosses en délire », de « pot de peinture jeté à la face du public », « de mélange de cire à bouteille et de plumes de perroquet »… Plus particulièrement attaquée, La femme au chapeau de Matisse, quand elle ne fait pas rire, attire les foudres et les commentaires les plus virulents. Les sculptures d’Albert Marque placées au centre de la pièce font alors écrire à Louis Vauxcelles : «  La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie des tons purs : c’est Donatello parmi les fauves ». La formule plaît tellement que la salle est bientôt rebaptisée « La Cage aux Fauves ».

Alors que le Président de la République, Emile Louvet, refuse d’inaugurer le salon en présence de ces oeuvres « inacceptables », le Fauvisme est né.