BELA SILVA

 

© Angela Martin Retortillo

FR

L’œuvre de Bela Silva, née à Lisbonne en 1966, nous invite toujours à regarder au-delà de ce qui est évident. Une première rencontre avec ses azulejos, ses céramiques et ses dessins nous révèle sa fascination pour la nature, les animaux et les contes. Un zoom sur sa pratique nous permet d’aller plus loin et d’explorer les rouages cachés de son esprit, qui sont à l’origine de ses intérêts vastes et éclectiques. L’un des aspects les plus marquants de son travail est qu’il n’est pas ancré dans une préoccupation spé- cifique qu’elle fouille sans cesse. Au contraire, ses références forment un écosystème d’intérêts, de disciplines, d’époques, de mouvements artistiques et de géographies qui vont de la littérature à la culture populaire, en passant par la nature, les mythes urbains, les animaux, les contes pour enfants, le style baroque, la période classique, le modernisme, le Japon, le Portugal et la Perse, pour n’en citer que quelques uns. En puisant des idées et des images dans ces multiples sources, Bela Silva fait émerger des orientations qui lui sont propres.

Bela Silva a réalisé plusieurs projets d’art public, notamment des fresques surréalistes et joyeuses composées d’azulejos pour la station de métro Alvalade à Lisbonne. Inspirée par le conte oral traditionnel portugais « le singe à la queue courte, qui fit un rasoir de sa queue, et une sardine d’un rasoir... », l’œuvre murale représente un singe tirant une longue corde tenue par sept femmes vêtues comme à la Belle Époque. Un autre détail montre un singe passant devant une femme avec des ciseaux. Sur un autre panneau, le thème de la nuit est traduit visuellement par le hibou, animal mystérieux, voyeur silencieux. Des couleurs vives, des formes rythmées, des femmes qui dansent, des singes enjoués et des libellules qui planent s’unissent pour raconter un conte folklorique qui nous incite à envisager d’autres dénouements à cette histoire. L’utilisation des azulejos par Bela Silva ne s’applique pas exclusivement à de grandes œuvres publiques, nombre de ses compositions sont de tailles différentes et ont un caractère intime, comme la série des trois céramiques présentée dans le cadre de l’exposition Limonada à la Double V Gallery à Marseille. Ici, les oiseaux se mêlent aux fleurs dans une composition qui nous rappelle que la nature est faite autant d’harmonie que de tension.

Il est très facile d’imaginer Bela Silva parcourant les vieilles rues et les marchés aux puces de Bruxelles ou de Lisbonne, telle une archéologue cherchant à dénicher de précieuses trouvailles. Utilisant comme éléments de décor des partitions de musique, des papiers peints vintage ou des pages de vieux livres, ses essais visuels se déploient avec des fleurs et des feuilles exubérantes qui se mêlent à des oiseaux qui parlent, des lapins curieux ou des singes qui regardent en conversant dans un langage indéchiffrable. Dans La Maison des oiseaux parleurs, qu’elle a créée pour Hermès, les oiseaux deviennent des formes, des couleurs, des motifs et des fleurs qui habitent un foulard destiné à couvrir le cou d’une personne, devenant ainsi un dessin sur un corps. À d’autres occasions, elle s’approprie des objets tels que les couvertures de vieux dictionnaires portugais qu’elle transforme en sculptures - scènes pour l’œuvre Refeição ou namoro [Repas ou flirt]. Ces scénarios avec des animaux évoquent des relations compliquées et amoureuses entre différents êtres, corps et esprits, un thème qui est également exploré dans une pléthore de ses dessins, tels que le récent Love Song.

Ce qui unit la diversité des thèmes et des supports explorés par Bela Silva, c’est le dessin, qui est à la source de tout son travail. D’un point de vue conceptuel, ses œuvres sont liées par une fascination pour la (re)présentation d’histoires dans le plus grand nombre possible de contextes différents. En d’autres termes, une fascination pour le monde qui nous entoure, moins que ce qu’il est en réalité que ce que notre esprit ose l’imag(in)er.

Le(s) merveilleux univers de Bela Silva (2023), Luísa Santos

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EN

The work of Bela Silva (born in 1966 in Lisbon) always asks us to look beyond the obvious. A first encounter with her azulejos, ceramics, and drawings will tell us about her fascination with nature, animals, and storytelling. Zooming in on her practice allows us to go deeper and explore the hidden workings of her mind as a source for her vast and eclectic interests. One of the most striking aspects of her work is that it is not grounded in one specific preoccupation that she excavates over and over. On the contrary, her references form an ecosystem of interests, disciplines, times, artistic movements, and geographies that span literature, popular culture, nature, urban myths, animals, children’s stories, baroque style, the classical period, modernism, Japan, Portugal, and Persia, to name just a few. Taking ideas and imagery from these manifold sources, Bela Silva extracts her own distinctive orientations.

Bela Silva has created several public art projects, notably her surreal and joyful murals made of azulejo tilework for the Alvalade metro station in Lisbon. Inspired by the Portuguese traditional oral tale “the monkey with the short tail, who made a razor out of his tail, and a sardine out of a razor...”, the mural features a monkey pulling a long rope that is being held by seven women dressed in belle époque period clothing. Another detail shows a monkey walking past a woman with scissors. On another panel, the theme of the night is visually translated by the owl, a mysterious animal, a silent voyeur. Bold colours, rhythmic shapes, dancing women, playful monkeys, and flying dragonflies join forces to recount a folktale that incites us to think of other endings to the story. Bela Silva’s use of azulejos is not exclusively applied to large public works, many of her compositions come in different sizes and have an intimate character, such as the series of three wall ceramics (each less than one meter high) shown in the context of the Limonada exhibition at the Double V Gallery in Marseille. Here, birds merge with flowers in a composition that reminds us that nature is made as much of harmony as of tension.

It is easy to picture Bela Silva wandering the old streets and flea markets of Brussels or Lisbon like an archaeologist seeking to unearth precious findings. Using sheet music, vintage wallpapers, or pages of old books as scenery, her visual essays unfold with flowers and exuberant leaves that blend together with talking birds, inquisitive rabbits, or gazing monkeys conversing in an indecipherable language. In La Maison des oiseaux parleurs, which she created for Hermès, birds become shapes, colours, patterns, and flowers that inhabit a scarf that will cover someone’s neck, thus becoming a drawing upon a body. On other occasions, she appropriates objects such as the covers of old Portuguese dictionaries that are turned into sculptures-stages in the work Refeição ou namoro [Meal or flirt]. These scenes with animals evoke complicated, loving relationships between different beings, bodies, and minds, a topic that is also explored in a plethora of her drawings, such as the recent Love Song.

What unites the diversity of themes and mediums explored by Bela Silva is drawing, which is the foundation of all her work. Conceptually, her oeuvre is linked by a fascination for (re)telling stories from/in as many different contexts as possible. In other words, a fascination for the world that surrounds us, maybe not so much as it actually is but more as our minds dare to imag(in)e.

The wonderful universe(s) of Bela Silva (2023) Luísa Santos